Intervenante : Julie Castro (HETS)
Titre : Comment la santé mondiale construit-elle ses cibles ? Lutte contre le sida, traces règlementaristes, et raidissement moral dans les Mali des années 2010
Abstract :
Dans le Mali des années 2010, la lutte contre le sida est un secteur en pleine expansion de l’aide au développement. Dans le contexte de la dynamique de scaling-up, les montants dédiés à cette politique de santé mondiale connaissent une augmentation spectaculaire et très rapide. Ces sommes doivent non seulement permettre de mettre sous traitement antirétroviral toutes les personnes qui le nécessitent, mais aussi d’intensifier la riposte auprès des populations dites clefs. Ces populations sont à la fois les plus affectées par le VIH/sida, mais aussi les plus difficiles à atteindre et les moins soignées d’entre toutes. Parmi elle, les travailleuses du sexe payant alors le plus lourd tribut, avec une prévalence de 25%. À partir d’une ethnographie des politiques de santé mondiale menées auprès de ce groupe lors d’interventions « hors les murs » d’une part, et d’une ethnographie des pratiques et relations considérées par ces politiques comme relevant a priori du travail du sexe, cette présentation donnera à voir comment les cibles de cette politique de santé sont construites. Je soulignerai notamment comment s’enchevêtrent, dans cette fabrique, des logiques propres aux politiques de santé mondiales telles qu’elles se sont développées depuis les années 1990, des pratiques héritées de l’ancienne politique malienne en matière de prostitution, ainsi que des positionnements vis-à-vis de lieux et de pratiques jugées immorales.
Bio :
Julie Castro est socio-anthropologue et médecin. Dans ses recherches, elle s’intéresse aux manières dont l’action publique reconfigure les vulnérabilités, adossant entre autres ses réflexions aux travaux d’anthropologie médicale sur la vulnérabilité structurelle. Elle a mené sa recherche doctorale sur les politiques de lutte contre le sida ciblant les travailleuses du sexe au Mali, et a également poursuivi ces réflexions à propos des secteurs dits « essentiels » et de la pandémie à Covid-19 dans le cadre de SociocoViD, une étude ethnographique de l’exposition au virus, des pratiques de protection et de la reconfiguration des vulnérabilités dans le Canton de Vaud. Ses travaux ont aussi porté sur des mobilisations féminines en Afrique de l’Ouest (altermondialistes et de travailleuses du sexe), ainsi que sur les transformations du nationalisme sexuel en France dans les années 2010. Depuis mai 2022, elle collabore au projet FNS « Politiques et espaces de la prostitution en Suisse. Les enjeux de l’(in)visibilité », dirigé par Milena Chimienti (HETS) et Marylène Lieber (UNIGE).
- Quand ?
Vendredi 2 décembre 2022 de 14h à 16h
- Où ?
ULB - Campus du Solbosch
Institut de Sociologie (bâtiment S)
Salle Doucy - 12e étage
44 avenue Jeanne - 1050 Bruxelles